PROVOCANT

Rater sa vie, c’est déjà quelque chose. J’ai aperçu cette profession de foi ou non, graffée sur un mur parisien, alors que je suis en confinement à Abidjan; par numérique oblige. Tracée à la hâte, mais dans le respect des équilibres et des couleurs; rendons alors à César ce qui appartient à un quidam. Car elle aurait pu être l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat qui lui ne l’a pas raté sa vie.

Né à Brooklyn en 1960, d’une mère portoricaine et d’un père haïtien, il est devenu le premier artiste du vingt-et-unième siècle sans jamais l’avoir connu. Il est le premier à être rentré dans la toile avant l’avènement d’Internet. Il n’avait pas son pareil pour relier-éclater, pour éclater-relier les objets, les personnages, les textes, les temps dans ses huit cents tableaux et mille cinq cents dessins.

Je sais et je souffre d’avoir manqué l’exposition de plus de 120 de ses oeuvres par la Fondation Louis Vuitton. Oeuvres pour lesquelles il ne se fit pas, au fur et à mesure, la main, mais qu’il créa de suite en graffant près des galeries New Yorkaises dès l’âge de dix-sept ans. Ses toiles provoquent, déstabilisent, renversent au point d’être appelé, lui l’enfant de Brooklyn « The radiant child » l’enfant radieux par René Ricard qui publie un article apologique dans le magazine Artforum.

René Ricard n’est pas le seul; en mars 1983 il devient le plus jeune artiste, vingt-trois ans, à être choisi pour être exposé à la biennale du Whitney Museum of American Art.

Contrairement à la légende véhiculée par des ignorants, l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat n’est pas celle d’un rebelle inculte, mais elle s’inscrit dans une solide culture artistique. Son art est conceptuel. Les lignes, les mots nombreux et répétés sont l’un des ressorts majeurs de son oeuvre.

Prenez le temps de visiter ou de revisiter sa toile « Peter and the wolf ». Il est le premier à nous parler de réseau, de confinement. Tel un chaman, il met en scène ce dont nous nous apercevrons que trente ans après. Non seulement, il s’imprégnait parfaitement de la scène de son époque, mais il voyait, à défaut de l’avoir compris, où tout cela nous menait; et nous le rendait dans ses toiles.

En s’abandonnant à parcourir les œuvres de Jean-Michel Basquiat vous y pratiquerez une sorte de conversation physique qui passe par des couleurs, et non par des mots. Vous y rencontrerez un peintre qui voit tout et entend tout et qui a choisi d’être du côté des fous, des enfants, de l’art brut.

N’ayez pas peur, vous pourriez y découvrir une part de vous-même, une part créative dont vous pourriez avoir bel et bien besoin; et prenez bien soin de vous