Prenez bien soin de vous 

Alors, celle-là, on ne va surtout pas s’en priver.

Celle-là? Oui le « prenez bien soin de vous » qui semble devenir totalement viral à l’heure actuelle. Et dont Mango prône l’utilisation depuis un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

Les cordialement, assortis du bien ou très, les amicalement, revendiqués ou de circonstances, les sincèrement, qui ne soulignent pas la franchise du discours ou de l’écrit mais témoignent d’un sentiment, et autres bien à toi ou à vous ont, semble-t-il, laissé leur place au «prenez bien soin de vous».

Le « prenez bien soin de vous » serait-il devenu viral parce qu’il créé une forme d’unanimisme participant à abolir les distances que le Covid-19 nous impose?

Au fond, nous sommes tous avec nos peurs, nos angoisses, parfois notre panique, mais aussi nos préoccupations, nos suppositions et autres difficultés, dans la même galère.

Plus de trois milliards d’individus confinés, par décision de leurs dirigeants, dans le monde, se retrouvent, finalement, si loin, si proche.

En utilisant, du coup, cette locution qu’est-ce qu’on cherche à dire? « N’attrape pas cette maladie », « fais tout ce qu’il faut pour te protéger » ou « prends soin de moi ».

Ça vous surprend?

Flash-back. Cette locution si elle prend son origine dans le verbe latin - soniare - qui voulait exprimer le besoin de procurer le nécessaire ou de donner l’hospitalité, connait sa première heure de gloire dans la chanson de Roland, poème épique du 11ème siècle.

Mais, elle continue à se propager avec Madame de Sévigné qui conseillait à sa fille de boire du chocolat. Du Chocolat? Oui, tenez-vous bien, en 1669, madame de Sévigné, dit la marquise de Sévigné, épistolière française, vantait déjà les vertus du cacao en l’assortissant d’un « prends bien soin de toi » adressé à sa fille.

Alors?

Alors, de nos jours, ce « prenez bien soin de vous » ne signerait-il pas la mort des formules que j’évoquais plus haut et qui pour, grand nombre, étaient écrites sans raison particulière, si ce n’est que de terminer une lettre, un post ou un discours?

Ne serait-il pas le signe avant coureur d’une autre façon d’envisager la société? De créer une véritable communauté où l’amour serait au centre, donnant enfin raison aux supporters de « l’Homme au centre de tout »?

Pour ma part, je ne me priverai pas aujourd’hui comme hier de vous dire: prenez bien soin de vous.

Jean Misme